J'ai dormi 7 heures.
Une longue nuit de sommeil, qui fait du bien. Je me sens d'attaque pour cette journée qui s'annonce comme la plus grosse, la plus longue et probablement la plus complexe depuis le début du tournage.
Nous aurons 4 acteurs, une vingtaine de figurants, un armurier, 4 vrais flingues, un artificier, des poches explosives de sang télécommandées, un superviseur SFX, 3 cameras, une vingtaine de plans a tourner et moins de 12 heures pour le faire.
Il faut impulser un rythme rapide dès les premiers instants de la journée.
Je le sais, tout le monde le sait et pourtant, nous ne shootons le premier plan de la journée qu'à 10h30 du mat'. Premier contretemps de la matinée : un jeune homme et ses parents désespérés devant l'entrée barrée de la Cour des Petites Ecuries. Ils doivent déménager ce matin. Leur camion est garé juste à côté. Cécile, la régisseuse générale m'informe que théoriquement, le rue est bloquée à la circulation par la préfecture de Police de Paris. Et que si je le souhaite, j'ai le pouvoir de les empêcher de déménager.
Magie du cinéma.
Après m'être laissé grisé quelques secondes à l'idée d'avoir la possibilité de me comporter comme un connard, en toute impunité, je demande à ce qu'on les laisse déménager. Un camion, du passage, ça donnera de la vie au plan. Let's go.
Magie du cinéma.
Après m'être laissé grisé quelques secondes à l'idée d'avoir la possibilité de me comporter comme un connard, en toute impunité, je demande à ce qu'on les laisse déménager. Un camion, du passage, ça donnera de la vie au plan. Let's go.
Nous commençons par des plans de filature à 3, avec Olivier Valverde, Vincent Londez et Mehdi Draïs.
On a essaye de shooter au maximum en plan séquence même si nous savons que la scène sera très découpée au montage.
Les mises en place sont longues, nous avançons lentement. En contrepartie, on met de jolis plans dans la boite. Nous tournons alors à 3 cameras, la RED, un 7D et un 5D, tous deux montés en longues focales.
Pendant ce temps là, Cécile, notre régisseuse générale, a des soucis.
La préfecture de Police de Paris, censée bloquer la cour des Petites Ecuries où nous tournons, a tout simplement oublié d'envoyer des agents !
Du coup, ce sont les membres de l'équipe régie qui doivent s'y coller, occasionnant des scènes surréalistes, comme ce livreur avec sa camionnette qui ne voulait rien entendre et à décider de forcer le passage, continuant à rouler avec une régisseuse sur le capot !!
Avec des agents de police en uniforme, les choses eurent été bien différentes...
En fait, les seuls policiers qu'on a vus, passaient là par hasard et sont venus nous contrôler. Ils vérifient tout, à commencer par les pistolets de l'armurier, ce qui a un peu détendu l'atmosphère. Cécile leur montre que toutes les autorisations sont en règle, et nous pouvons continuer.
Le plateau est rempli de figurants ça fait plaisir ! Certains sont venus de loin, comme Gwen et Jean-Seb, a.k.a. le Grand Chambellan de la Spatule, un habitué de mon blog (l'autre) depuis quelques années. Ils sont venus du Finistère. D'autres sont venus de Lille, de Strasbourg ou de Toulouse. J'aurais du faire co-produire le film par la SNCF.
La préfecture de Police de Paris, censée bloquer la cour des Petites Ecuries où nous tournons, a tout simplement oublié d'envoyer des agents !
Du coup, ce sont les membres de l'équipe régie qui doivent s'y coller, occasionnant des scènes surréalistes, comme ce livreur avec sa camionnette qui ne voulait rien entendre et à décider de forcer le passage, continuant à rouler avec une régisseuse sur le capot !!
Avec des agents de police en uniforme, les choses eurent été bien différentes...
En fait, les seuls policiers qu'on a vus, passaient là par hasard et sont venus nous contrôler. Ils vérifient tout, à commencer par les pistolets de l'armurier, ce qui a un peu détendu l'atmosphère. Cécile leur montre que toutes les autorisations sont en règle, et nous pouvons continuer.
Le plateau est rempli de figurants ça fait plaisir ! Certains sont venus de loin, comme Gwen et Jean-Seb, a.k.a. le Grand Chambellan de la Spatule, un habitué de mon blog (l'autre) depuis quelques années. Ils sont venus du Finistère. D'autres sont venus de Lille, de Strasbourg ou de Toulouse. J'aurais du faire co-produire le film par la SNCF.
Pendant qu'Olivier Valverde va se faire poser une charge explosive sur la jambe (à l'endroit où il est censé prendre une balle), nous tournons le début de la course poursuite entre Mehdi et Vincent.
Nous tournons en l'occurrence les plans sur Vincent.
Julien Jaunet lui cavale après, caméra a l'épaule. J'aime beaucoup le résultat, le cadre bouge a mort tout en restant lisible, ça a de la gueule.
Julien pense que ça bouge un peu trop et décide de faire le plan en scooter. Pierre, le cadreur du 7D, déboule sur son scoot', Julien grimpe a l'arriere et ils démarrent tous les deux en trombe avec 40 000 euros de matériel sur l'épaule.
Personne ne tombe, on décrète que c'est sans danger et on tourne la prise ainsi. Le résultat est superbe.
Personne ne tombe, on décrète que c'est sans danger et on tourne la prise ainsi. Le résultat est superbe.
Mais la méthode ne plait pas du tout à Olivier, le directeur de Prod. Sensible aux questions de sécurité, il a alors une discussion animée avec Julien.
Je décide de rester en retrait.
J'entends parfaitement les deux point de vue.
D'un côté, mon chef op' (que je considère comme réfléchi et responsable), m'assure qu'il ne peut physiquement pas tomber du scooter.
D'un autre côté, mon directeur de prod (que je considère comme réfléchi et responsable) met en avant, et à juste titre, l'observation de règles élémentaires de sécurité.
Réfléchissant à la question : "jusqu'où faut il aller pour mettre en boite un plan qui claque ?", je repense à la fameuse course poursuite de "French Connection". La légende dit que Friedkin est monté dans la bagnole avec son chef op', et qu'ils se sont mis à rouler à plus de 100km/h en ville, en condition de circulation réelle, et en brulant méticuleusement tous les feux rouges.
En deux coups de scooter, la prise est bonne.
Il y avait pas mal de tension lors de ces plans. Un instant, j'ai visualisé Julien lâchant la caméra, la RED s'explosant au sol, et moi obligé de vendre du crack à la sortie des maternelles pour pouvoir rembourser Les Machineurs, qui nous ont gracieusement prêté leur matériel.
Olivier Valverde revient alors avec sa charge sur la jambe.
Nous nous mettons en place rue du Faubourg Saint Denis, les badauds s'arrêtent par grappes pour nous regarder tourner. Nous mettons 5 caméras en place pour ce plan (histoire de n'utiliser qu'une seule charge), et tournons avec des angles et des valeurs différentes.
Le résultat est très réaliste, Olivier se fait éclater la jambe... et son jean par la même occasion. On n'avait pas anticipé (il devait initialement s'en prendre une dans le bide), faudra penser à lui rembourser son pantalon.
Nous nous mettons ensuite en place pour le contrechamp de la course poursuite entre Mehdi et Vincent. Nous avons tous accepté les exigences sécuritaires de la prod et sommes confortablement installés à l'arrière d'une Golf, dont la banquette arrière a été rabattue. Maher, de l'équipe régie est au volant. Benjamin, notre ingé son, est à la place passager. Je suis juste derrière eux, allongé sur la banquette rabattue, avec le retour vidéo HD sur les genoux (le grand luxe), et Julien et Pierre sont dans le coffre, chacun cadrant avec une caméra différente (en l’occurrence RED et 5D Mark II).
Olivier Valverde revient alors avec sa charge sur la jambe.
Nous nous mettons en place rue du Faubourg Saint Denis, les badauds s'arrêtent par grappes pour nous regarder tourner. Nous mettons 5 caméras en place pour ce plan (histoire de n'utiliser qu'une seule charge), et tournons avec des angles et des valeurs différentes.
Le résultat est très réaliste, Olivier se fait éclater la jambe... et son jean par la même occasion. On n'avait pas anticipé (il devait initialement s'en prendre une dans le bide), faudra penser à lui rembourser son pantalon.
Nous nous mettons ensuite en place pour le contrechamp de la course poursuite entre Mehdi et Vincent. Nous avons tous accepté les exigences sécuritaires de la prod et sommes confortablement installés à l'arrière d'une Golf, dont la banquette arrière a été rabattue. Maher, de l'équipe régie est au volant. Benjamin, notre ingé son, est à la place passager. Je suis juste derrière eux, allongé sur la banquette rabattue, avec le retour vidéo HD sur les genoux (le grand luxe), et Julien et Pierre sont dans le coffre, chacun cadrant avec une caméra différente (en l’occurrence RED et 5D Mark II).
Le plan fonctionne, mais nous sommes un peu trop bas et un peu trop stables. je demande à Julien de remuer un peu plus, il change d'objectif et passe au 180mm.
Nous faisons alors une 2e prise sur Mehdi, qui court comme un dératé. Il court si vite qu'il rattrape souvent Vincent, je sens que les raccords vont être gais.
Mais le plan a de la gueule.
J'en ai pas encore parlé, mais les coups de feu font un boucan du diable ! (et nous enfilons d'ailleurs tous des casques anti bruit pendant les prises). Au son, nous faisons le 14 juillet un 17 septembre !
Voir Vincent et Mehdi se courir après avec des pétoires qui réveillent tout le quartier a quelque chose de jubilatoire qui me ramène tout droit à une part enfuie de mon enfance, l'époque lointaine où je jouais aux cowboys et aux indiens.
Marc, l'armurier, gère son matériel avec précision et pédagogie. Il nous explique toutes les règles de sécurité, briefe les comédiens sur les postures à prendre et se montre particulièrement disponible. C'est un plaisir de travailler avec lui.
C'est alors l'heure de la pause déjeuner, dans un couscous du coin. Je raffole littéralement du couscous mais doit d'abord aller répondre aux questions de Gregory Martin, le journaliste de l'émission "Court Central", venu faire un reportage sur le tournage.
Nous faisons alors une 2e prise sur Mehdi, qui court comme un dératé. Il court si vite qu'il rattrape souvent Vincent, je sens que les raccords vont être gais.
Mais le plan a de la gueule.
J'en ai pas encore parlé, mais les coups de feu font un boucan du diable ! (et nous enfilons d'ailleurs tous des casques anti bruit pendant les prises). Au son, nous faisons le 14 juillet un 17 septembre !
Voir Vincent et Mehdi se courir après avec des pétoires qui réveillent tout le quartier a quelque chose de jubilatoire qui me ramène tout droit à une part enfuie de mon enfance, l'époque lointaine où je jouais aux cowboys et aux indiens.
Marc, l'armurier, gère son matériel avec précision et pédagogie. Il nous explique toutes les règles de sécurité, briefe les comédiens sur les postures à prendre et se montre particulièrement disponible. C'est un plaisir de travailler avec lui.
C'est alors l'heure de la pause déjeuner, dans un couscous du coin. Je raffole littéralement du couscous mais doit d'abord aller répondre aux questions de Gregory Martin, le journaliste de l'émission "Court Central", venu faire un reportage sur le tournage.
Il se passe quelque chose d'étrange avec Mehdi. Sa fille de deux ans lui a fait passer une nuit blanche. Du coup, il est un peu dans le cosmos aujourd'hui. Il me fait répéter plusieurs fois chaque directive, me fait des répétitions assez angoissantes, mais lorsque la caméra tourne, il est impeccable. C'est comme si un tour de magie s'opérait sous mes yeux : je m'attends au pire, et c'est le meilleur qui arrive. Mehdi possède ce petit quelque chose qui magnétise la caméra.
Vincent Londez est bien dans son personnage, et nous permet de tourner très vite, merci à lui.
Vient alors le moment ludique de l'après midi, lorsque Mehdi se prend deux balles dans le buffet, et chute lourdement après avoir tiré une fois sur Vincent.
Nous avons un artificier sur le plateau, en la personne de Léo Leroyer, un ami de David Scherer. Léo place des charges explosives reliées à des poches de sang, sous les vêtements des comédiens. Et quand ça pète, ça fait pas semblant...
Le sang gicle tellement fort que tous les cadreurs en sortent éclaboussés, comme si tout le monde sortait d'une figuration dans un film de vampires. Julien Jaunet laissera un sweat blanc à capuche dans la bataille.
Nous enchaînons avec le contrechamp sur Vincent, qui se prend une balle dans l'épaule, après avoir descendu Mehdi. Le plan fonctionne, et nous allons pouvoir le raccorder avec LE morceau de bravoure de la journée, le plan séquence de fin de séquence.
Ce plan voit Vincent Londez affronter Dan Bronchinson, après de longues secondes de suspense. On
pourrait le découper, mais on peut aussi le tourner d'un seul tenant. C'est cette deuxième option que je choisis.
Il se passe alors un truc très marrant de mon point de vue. Pour caler toutes les difficultés techniques de cette prise, je suis obligé d'interpeller tout à tour le directeur photo, l'ingénieur du son, les acteurs, l'artificier, l'armurier et le superviseur effets spéciaux.
C'est la première fois que je réalise une séquence dont la réussite dépend d'autant de personnes. C'est aussi dans ces moments là que je réalise que je suis en train de tourner un "gros" truc comparativement à ce que j'ai fait jusqu'à présent.
On lance quelques répètes, qui semblent fonctionner. Nous en filmons une, sans les impacts sur Dan, puis on lance les vraies prises, avec les impacts.
Cette prise foire également, tandis que la nuit est en train de tomber d'un coup. Nous sommes presque battus. Nous en tournons encore une, la dernière, dans une quasi pénombre qui ne raccorde pas du tout avec les plans en extérieur jour. Un dernier soucis technique, et c'est raté, nous n'aurons pas ce plan-séquence dans la boite.
Sur le coup, je suis particulièrement déçu, c'était largement à notre portée.
Après quelques minutes, il faut relativiser. Insérer un (ou plusieurs) plans de coupe dans ce plan séquence ne va objectivement pas nous pourrir le film.
Ça aurait été mieux avec, mais ce ne sera pas plus mauvais sans.
"Ainsi soit il".
Alors que la pluie se met à tomber, nous allumons et shootons un insert, qui sera normalement placé au milieu du plan séquence. Nous rangeons le matériel sous une pluie qui redouble d'intensité, et alors qu'une partie de l'équipe va boire des coups "chez Jeannette", l'endroit hype du quartier où je croise mon ami Jérémy Halkin, fondateur de feu "Les Filmistes Associés", je repense à cette riche journée et à cette citation attribuée à Sigmund Freud :
"Le bonheur est un rêve d'enfant réalisé dans l'âge adulte."
(toutes les photos de cet articles sont ©Morgane Launay)
(toutes les photos de cet articles sont ©Morgane Launay)
Merci pour cet excellent récit. Les photos de plateau sont superbes. Je suit ton tournage de tr§s près. Ça donne envie de voir la suite. Bon courage à vous tous.
RépondreSupprimerYo, superbes photos de Morgane et belle citation sur l'enfance, Gilles: Quand on shootait samedi j'avais par moment en tete cette journée de 1983 ou tout gamin j'avais regardé Yves Boisset tourner le holdup de "Canicule" dans une rue bloquée de ma ville.. Un souvenir magique qui te colle la vocation a vie et te fait kiffer ces journées là comme aucunes autres!
RépondreSupprimerLaurent
Je suis le tournage de loin, à travers le blog, mais avec grand intérêt.
RépondreSupprimerJe savais donc que se tournait la séance de gun fight samedi, mais pas où...
Fin de matinée, je rentre d'acheter le pain. Un coup de feu...Un tournage...
Je me dis: à tous les coups, c'est Gilles!
Bien content d'avoir pu voir qqs scènes en live.
Keep up the good work.
A bientôt
Mathieu
J'ai lu de grandes choses à propos de cette fusillade, J'aime lire plus à ce sujet merci pour le partage!
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