jeudi 29 septembre 2011

Ça monte à Billancourt !


Première vraie journée de montage dans les locaux de la Camarilla, à Boulogne Billancourt.
A chaque fois c'est pareil. Je suis d'abord un peu décontenancé en découvrant les rushes (la semaine dernière). J'ai tendance à voir ce qu'on aurait pu faire plutôt que ce qu'on a fait. Vient ensuite l'acception puis l'appropriation des images, des le début du montage proprement dit.
Les images claquent, c'est incontestable. Le piqué de la RED est assez phénoménal, reléguant loin derrière les images des DSLR. J'ai sous les yeux une belle image bien consistante, très définie, et je me re-re-félicite d'avoir choisi de tourner avec une vraie camera. Le gap est d'autant plus flagrant que je peux comparer. Nous avons shooté toutes les sequences d'action en multicameras (RED+5D+7D+550D). Alors je m'amuse à comparer et le résultat est sans appel.
Alors non, je ne suis pas en train de renier les DSLR. Je suis ravi de sortir mon 7D sur les projets perso et les projets low budget. Mais lorsqu'il s'agit de viser la top quality, les DSLR montrent logiquement leurs limites.



Fin de la digression.
La synchronisation son-image étant quasi terminée, nous avons pu avancer sur le montage de plusieurs sequences, qu'Audrey avait premontees.
C'est ma 4e collaboration avec Audrey, et c'est la première longue collaboration. Jusqu'à présent, on avait fait ensemble un 48h Film Project, un clip et une pub TV de 15 secondes, hors packshot.
Ça s'était fort bien passé à chaque fois, et j'avais hâte de retravailler avec elle.
Un(e) monteur/euse compétent(e), c'est le rêve de tout Realisateur qui sort d'un tournage. Patrice, venu nous filmer en plein travail pour son making of, s'étonnait du caractère réellement collaboratif de notre relation. Un bon monteur n'est pas un exécutant, qui manipule Final Cut a ma place et coupe là où je lui demande de couper.



Un bon monteur, en plus maîtriser parfaitement sa discipline (et son logiciel), est capable de choisir LA bonne prise parmi les rushes, celle qui est bonne techniquement et surtout au jeu. Savoir apprécier la justesse du jeu d'acteur sur une prise demande du goût, de l'intuition, et de la réflexion, ce qui est plutôt rare. Audrey a toutes se qualités, en plus de ses grandes compétences techniques.
Tout ça pour dire que j'apprécie réellement notre collaboration, et nos "ping-pong" autour les différentes prises me donnent à vérifier le vieil adage qui dit, en substance, qu'après la phase d'écriture et la phase de tournage, le montage est la 3e étape de création d'un film.
Nous avons déjà monté deux séquences. Je suis très impatient d'attaquer la suite !

mercredi 28 septembre 2011

That's a wrap !


La dernière journée de tournage de Lapse fut détendue, mais productive et riche en événements.
Une fois n'est pas coutume, nous avons démarré à une heure décente, 9h du mat'.
Nous avions rendez vous dans le 16e, a deux pas de la Porte de Saint Cloud. La configuration, c'était "équipe réduite". Il y avait l'inamovible Julien Jaunet au cadre et a la photographie,


Adrien Amboise et Arthur Claisse en assistants camera,



Maheer Hadj-Hassen a la régie, 



Patrice Goldberg au making of 




et Laurent Ferriere en supervision Effets Spéciaux. 


Pourquoi Laurent était-il présent ? Parce que nous devions tourner une séquence d'accident de la route (piéton vs automobile) et que j'avais choisi la voie des effets spéciaux pour mettre cette séquence en boite.
En effet, j'avais eu une réunion lundi dernier avec l'excellent Manu Lanzi, pour aborder l'eventualité de shooter cette séquence en caméra embarquée, sur un cascadeur. Tout comme Vincent Gatinaud (qui collabore avec Manu Lanzi) me l'avait lui aussi expliqué, cette solution était tout a fait envisageable mais comportait un inconvénient de taille : il fallait bousiller une bagnole. Capot, pare-brise, toit, la voiture allait ramasser, c'etait certain.
N'ayant sous la main personne prêt a sacrifier son véhicule sur l'autel du cinéma, je ne pouvais me résoudre a :
- acheter une bagnole d'occase
- la faire assurer
- payer la carte grise
Pour l'envoyer a la casse le lendemain.



Du coup, j'ai opté pour la solution économique. L'idée de Laurent était de faire asseoir le cadreur sur la capot de la voiture. La voiture roulerait en marche arrière, à faible allure. Le cadreur descendrait du capot, panoterait dans la direction opposée et ferait 3 pas en arrière. Au montage, nous truquerions le plan en inversant le sens de lecture de la vidéo. 




Sur des bonus de films en DVD, j'avais vu pas mal de séquences d'accidents truquées ainsi. Le soucis, c'est que la seule voiture dispo aujourd'hui était la Toyota Aygo de Patrice. Je ne sais pas si vous avez déjà vu une Toyota Aygo, mais le capot est tellement court et tellement plongeant qu'il est virtuellement impossible de faire tenir quelqu'un dessus. Julien a essayé avec un 7D, il a immédiatement glissé, arrachant au passage la plaque d'immatriculation du malheureux véhicule.




















Vu que personne n'avait envie de prendre le risque que Julien se gamelle sur le bitume parisien avec 45 000 euros de matériel sur l'épaule, nous avons du trouver une autre solution. 
Simple.
Efficace.
Patrice, au volant de son bolide, arriverait lancé sur Julien, et freinerait juste avant l'impact. Comme ça, ça fait un peu peur. Mais par le truchement de la magie du cinéma, nous avons fait en sorte que Patrice ne roule pas très vite et que la focale, un poil plus longue que la norme, accentue la sensation de proximité. Cependant, Julien n'était pas totalement rassuré au moment de se jeter sur le capot de la voiture. Autant je le comprenais tout à fait, autant je me suis surpris à le pousser dans le dos pour le faire se (quasi) jeter sur le capot, par soucis de réalisme. Serais-je devenu un ignoble tyran ?



Nul ne le sait.
Quoi qu'il en soit, nous avons fait une petite dizaine de prises en mode "Sebastien Loeb debout sur les freins" et au final, nous avons mis quelques bonnes prises dans la boite. Enfin, on imagine. Car figurez vous que le firmware actuel de l'EPIC ne permet pas de revoir les prises que l'on vient de tourner. A une époque où tout un chacun est habitué à IMMEDIATEMENT contrôler ses photos / vidéos sur un écran LCD, ça fait bizarre... On a l'impression de tourner en pelloche. Sans filet. Un peu stressant tout de même.
Léna Perdu, qui nous avait rejoint avant cette séquence, nous invite à enchaîner sur la séquence suivante. Il est déjà 11h45, et nous n'avons qu'un seule plan dans la boite.



On enquille avec les plans qui nous manquent




Puis nous filons déjeuner.
Nous débarquons vers 15h au square du bout de l'île Saint Louis, qui donne sur le début du boulevard Henri IV, après le Pont de Sully. C'est un endroit très sympa, avec une vue imprenable sur les rives de Seine, les péniches, y'a de la verdure, bref, c'est assez bucolique pour du Paris intra muros.


Nous entreposons les valises (les pro disent les "fly case") de matériel derrière un recoin, à proximité d'une porte battante qui donnent sur des escaliers qui descendent sur les bords de Seine. Nous nous apercevons vite qu'il y a pas mal de passage et décidons de changer le matériel de place, après cet épisode plutôt drôle : un type grimpe les escaliers, passe le portique et s'arrête devant notre matériel. Presque par réflexe, nous nous approchons, l'air de rien. Le type me regarde et me lance :
- "Tu te crois Zguègue ?"
A ce moment là j'ai un gros doute sur le sens de l'interrogation qui m'est adressée. et un doute encore plus grand sur ma compréhension de l'interrogation en question. Mes connaissances linguistiques classent le mot "zguègue" en synonyme de "zizi". Du coup, j'ai un peu de mal à cerner le sens précis de la question. Je hasarde un :
- "comment ?"
- "Tu te crois Zguègue, c'est ça ?"
Avant que je ne puisse exprimer la moindre moue d'incompréhension, mon interlocuteur se tourne vers Julien, qui vient de remonter ses Ray Ban sur le front, comme pour mieux prendre la mesure de la question qui m'était posée. L'ayant remarqué, notre interlocuteur interpelle immédiatement Julien :
- "Pourquoi tu remontes tes lunettes toi ? Tu veux me mettre un coup de boule, c'est ça ?"
Julien, qui a visiblement pris diplomatie en langue vivante 2 au collège, lui répond très calmement :

- "Pas du tout. Y'a aucun problème."

Vaguement rassuré, le type marmonne quelque chose d'inintelligible avant de s'éloigner.
Au final, nous aurons croisé un nombre assez surprenant d'étranges énergumènes, lors des tournages en extérieurs.
Nous nous installons donc à l'écart, et au calme. Nous sortons la caméra et lançons quelques tests, en attendant Elsa Kikoïne, qui arrive vers 16H. Elle est a gros rhume et n'a pas beaucoup dormi la nuit dernière. A la caméra, ça ne se voit pas, la preuve par l'image :


Magie du cinéma et des doigts de fée de Tiffany Fouqueil, notre maquilleuse bien aimée.



Mon pote Sébastien Badreau nous fait le plaisir d'une petite visite


Juste avant, nous avions eu la visite de Benjamin Charier, notre bien aimé ingénieur du son




Puis nous commençons à shooter les séquences de souvenirs. C'est un moment de recherche esthétique pure, j'ai le sentiment d'être en train de shooter une "pub beauté". Le genre de sensation relativement rare sur de la fiction. Julien prend son pied et il a raison, malgré nos objectifs assez moyens, ça flare de partout, l'image est superbe, l'EPIC n'a pas usurpé sa réputation.


Nous bouclons vers 18h30, peu avant que le soleil ne devienne trop rasant. Arthur et ADrien shootent quelques plans supplémentaires avec l'EPIC. Leur excitation fait plaisir à voir. On dirait deux fans de tennis qui ont enfin la possibilité de jouer un match, après 15 jours de Roland Garros télévisé quotidien.
Cet à ce moment que le gardien du square débarque, pour nous prévenir de la fermeture imminente du lieu. En apercevant tout notre matériel, il nous apostrophe :
- "Vous aviez une autorisation pour tourner ?"
En une fraction de seconde, nous sentons poindre l'embrouille. On va lui répondre qu'on a pas d'autorisation, il va nous demander nos noms, on va botter en touche et il va finir par appeler la Police pour nous verbaliser. Comment détaler comme des lapins avec 12 valises de matos dans les bras ?
C'est Julien qui dégaine le premier : "Nous n'avons pas tourné dans le square, mais dehors, dans la rue (ce qui est partiellement vrai, on a shooté beaucoup de pans sur Elsa dans les rues adjacentes). Nous avons simplement entreposé notre matériel ici".
- "D'accord. Vous savez qu'il faut une autorisation pour tourner ici, hein ?"
- "oui oui, on sait"
- "Bien. Vous savez, c'est pas moi qui fait les lois. je ne fais que les appliquer."
- "Pas de problème".

Un petite mensonge vaut mieux qu'une petite embrouille, c'est la leçon que nous avons mise en application aujourd'hui.




Nous avons finalement shooté 500 Gigas (!!) de rushes, va falloir aller faire pédaler une connexion Firewire 800 pour nous transférer tout ça.
Au final, le bilan de cette journée est bien positif. Nous avons shooté des beaux plans, qui manquaient au montage. J'ai hâte de monter tout ça avec Audrey.

Officiellement, aujourd'hui était le dernier jour de tournage. J'ai eu plaisir à retrouver une petite partie de l'équipe, et les autres m'ont manqué. J'ai hâte de les revoir tous.

Pour l'instant place au montage et à la post prod. J'ai envie de vous dire : "A bientôt !"


mardi 27 septembre 2011

Hâte


Journée un tantinet galère aujourd'hui, à courir par monts et par vaux pour récupérer tout ce dont nous aurons besoin pour shooter demain. Nous avons eu l'info hier soir que l'EPIC serait dispo demain, et avons du réagir en conséquence, en harcelant de coups de téléphone les loueurs de matériel, pour réserver une série d'objectifs cohérente avec le résultat attendu.



Julien Jaunet rêvait d'optiques Zeiss grande ouverture (les fameuses Zeiss G.O.), nous n'en avons malheureusement pas trouvé de dispo. On s'est rabattu sur une série de ARRI Ultra Prime, mais la facture était salée, trop salée (800€/jour, sans négo possible, un peu trash). Nous nous sommes donc rabattus sur des Zeiss Compact Primes, les mêmes que ceux que nous avions pour le reste du tournage. Un poil mou à pleine ouverture, quelques aberrations chromatiques mais bon, quand y'a pas le choix, y'a pas le choix.
Et entendons nous bien, ce sont quand même de très bon cailloux. Ils sont juste un cran en dessous de ceux précédemment cités.
Après avoir récupéré la caméra (et les nombreuses valises de matériel) à Saint Ouen, nous sommes partis ensuite faire des tests à Boulogne avec Julien. On a essayé de mettre de la matière devant l'objectif, de jouer les réflections, les flares, y'a moyen de faire de très jolies choses. Hâte de tourner ça demain !
J'ai profité de déposer le matériel à la Camarilla pour aller voir Audrey, qui a déjà commencé le montage (la synchro n'est pas tout à fait terminée). 



Y'a pas à dire, c'est assez magique de voir le film prendre vie sur l'écran de la station de montage. J'ai hâte de m'y coller à temps plein.
Hâte de tourner, hâte de monter.
C'est bon d'avoir hâte de travailler.
Non ?


Tournage épique en perspective



La nouvelle est tombée, nous allons bénéficier d'une chouette caméra, la RED EPIC, pour tourner les séquences de rêve / souvenirs qui manquent au film.
Cette caméra nous est gracieusement prêtée par Les Machineurs, société de post production qui nous avait déjà prêté la RED ONE MX pour le tournage de Lapse. Les Machineurs assureront également la post production du film.
L'EPIC, c'est quoi ?
C'est une caméra numérique HD à peine plus grosse qu'un boitier DSLR (5D Mark II par exemple) qui tourne en 5K, soit une résolution 6.7 fois supérieure à celle du FULL HD (1920x1080). Et le plus dingue, c'est qu'elle est capable de tourner jusqu'à 120 images par secondes à cette résolution.
Les plus beaux ralentis que vous ayez vus de votre vie, si l'on excepte la Phantom HD, caméra conçue uniquement pour le ralenti (1000 images secondes en HD c'est assez imbattable comme cadence). La Phantom en images, pour info :


Durant la prépa, Julien Jaunet m'avait montré des images qu'il avait tournées à l'EPIC, et j'avais failli tomber de ma chaise tellement c'était beau. C'est à ce moment là que j'avais abandonné l'idée de tourner ces séquences au 5D Mark II.
Allez, voilà une petite bande démo de l'EPIC histoire d'avoir un aperçu de la qualité d'image produite par ce petit bijou.


Nous procédons aux essais caméras aujourd'hui, et nous tournerons demain. Ce sera le 9e jour de tournage de Lapse.

lundi 26 septembre 2011

"On verra ça en post prod" ?

Parmi les plans plans qui restent encore à tourner, je dois mettre en boite une séquence d'accident de la route (un piéton renversé par une voiture). J'ai décidé de le faire en caméra subjective, en adoptant le point de vue du piéton. 

Du coup, plusieurs possibilités s'offrent à moi. 
Soit je "triche" au tournage pour simuler un accident (en partant, par exemple, du capot de la voiture qui recule, et en inversant la lecture au montage).
Soit je fais appelle à des cascadeurs équipés de caméras embarqués, et on shoote l'accident en marche avant.
Les deux pistes sont envisageables.
Laquelle est la meilleure ?
Aucune idée.
Je déciderai après avoir fait une réunion SFX et une réunion cascadeurs.
Stay tuned...

mercredi 21 septembre 2011

des photos, des photos !

D'autres photos de tournage arrivent, elles sont l'oeuvre de mon ami réalisateur Yannick Pécherand, qui nous a fait le plaisir de nous accompagner un bon boit de chemin sur ce tournage.
Merci doublement à lui !

http://keratoconepictures.over-blog.com/article-lapse-84748935.html

mardi 20 septembre 2011

Remember

Nous avions initialement prévu de tourner mercredi des séquences de rêves et de souvenirs. L'enjeu est important et il est double :
- ces séquences ont tout d'abord un rôle narratif

- les séquences de souvenirs abordent la représentation de souvenirs profondément enfouis qui peinent à remonter à la surface. Aussi, j'ai beaucoup réfléchi à la meilleure manière de les mettre en images. J'ai sondé mes propres souvenirs. Lorsque j'essaye de me rappeler, qu'est-ce que je vois concrètement ?

J'en suis arrivé à la décision qu'il nous faut représenter l'abstraction, la perception, la sensation, davantage que de montrer quelque chose de visuellement intelligible, et d'y coller un effet en post prod. 
La difficulté principale est que la caméra ne nous permet pas de représenter cette abstraction. La caméra saisit le réel et l'enregistre. Ce sera donc à nous de lui donner à saisir quelque chose d'intéressant, qu'il nous faudra créer.
Et comme je pense que nous n'avons pas encore assez creusé la question avec Julien Jaunet, le Directeur Photo, nous allons prendre un peu de temps pour le faire. En conséquence, la journée de mercredi risque fort d'être repoussée à la semaine prochaine.
Je suis assez excité à l'idée de tourner ces séquences clés. L'enjeu esthétique est assez fort à mes yeux. Et ces images doivent également véhiculer du sens. Allier le beau au signifiant, c'est toujours très plaisant.

En parallèle, nous préparons actuellement le paquet de données que nous avons généré la semaine dernière. Nous avons un peu plus de deux Teraoctets de rushes et quelques gigas de son. Il va falloir transcoder les rushes pour le montage (qui se fera sur Avid), puis synchroniser l'image et le son. Alors seulement nous pourrons commencer le montage proprement dit.
De mon point de vue, le plus tôt sera le mieux.

dimanche 18 septembre 2011

Le bout du tunnel


On a terminé tard hier, mais nous commençons tard aujourd'hui.
Magie du plan de travail, merci Léna.
Du coup, j'ai fait un truc de dingue : j'ai dormi 8 heures. D'une traite. Comme un bébé.
J'ai bizarrement eu envie de me remater la séquence de course poursuite de "French Connection" sur le Blu-Ray que j'ai taxé avant hier à mon pote Eric.
Sur le commentaire audio, Friedkin raconte la scène : ils ont tourné sans cascadeurs, en conditions de circulation réelle, sans doublure pour Gene Hackman. Ils se sont fait emboutir a plusieurs reprises de manière imprévue, ont roulé à contresens, brulé des feux rouges... Ils avaient juste placé, en toute illégalité un gyrophare et une sirène dans leur bagnole.
Autre temps, autre moeurs, la fougue du Nouvel Hollywood pouvait occasionner quelques sueurs froides.


En parlant de sueurs froides, j'ai reçu ce matin un email de Vincent Londez qui m'a confessé s'etre abimé une cheville lors d'une course poursuite a pieds hier. Il pense avoir une entorse, suffisamment douloureuse pour l'avoir réveillé a 5h du mat'...



La situation est délicate, mais pas horrible. Nous n'avons plus de scènes de course a tourner, Vincent doit aujourd'hui marcher quelques pas, monter dans une voiture, jouer son dialogue et ressortir du véhicule.
Si ça lui était arrivé avant hier, c'était l'arrêt de mort de tournage. Comment tourner une séquence d'action sans le personnage principal ?
En l’occurrence, l'idée c'est de soit :
- soulager sa douleur pour qu'il marche normalement
- tricher au cadre et faire marcher une doublure a sa place
J'avertis plusieurs personnes de l'équipe et la solution surgit du côté de mon ami Eric Elfassy, médecin dans la clinique duquel nous avions tourné dimanche dernier.
Il va poser une attelle à Vincent. L'attelle sera invisible à l'image.
Magie de la médecine.



Eric va faire pas mal de choses pour nous aujourd'hui, puisque c'est lui qui ramène la BMW 525d de son beau frère. Ce sera la voiture du "bad guy" de l'histoire, interprété par Frederic Quiring.
Nous avons un temps superbe (mais un poil nuageux) pour ce dernier jour de tournage, qui prend place avenue de France, à deux pas de la Bibliothèque François Mitterrand.



J'arrive a 12h45 sur le point de rendez vous, en face du MK2 Bibliothèque.
L'équipe régie, fidèle au poste est déjà là, ainsi que Léna et Emmanuel Donaint, qui interprétera le rôle du chauffeur.
Nous sommes bientôt rejoints par le reste de l'équipe. Vincent Londez nous montre sa cheville, il a un bel œuf de pigeon. Il boite bas mais m'assure qu'il peut prendre sur lui pour marcher normalement.



Nous prenons un peu de temps pour valider le cadre avec Julien, et mettons en place une répète. Le plan est beau, le vent souffle, la pluie menace, les feuilles volent au vent.



L'ambiance est décontractée depuis la fin de la grosse journee d'hier, et le timing s'en ressent. Nous commençons a shooter affreusement tard, à 14h50. Nous avons posé la bagnole dans un couloir de bus et avons dévié la circulation, sans en avoir tout à fait l'autorisation. Pourtant, les rondes de Police se succèdent et personne ne nous demande rien.



Les prises sont longues a mettre en boite. Il nous faut attendre le passage d'un train pour pouvoir démarrer le plan. Et le dimanche, les trains passent moins souvent.
Nous faisons plusieurs prises et finissons vers 15h40. Vincent a réussi à  marcher sans boiter, ça passe très bien à l'image.



Pendant que la voiture est préparée par l'équipe lumière, je fais quelques répètes avec les comédiens. Le dialogue passe bien, le jeu est en place, Vincent est parfait et Fred Quiring est assez impressionnant. Il dégage une véritable puissance de jeu.



Nous revenons a la voiture qui tarde a être prête. Julien sait que le plan est important, et peaufine sa lumière. Mais l'heure tourne, et il nous faut shooter. A 17h, on lance les champs sur Vincent, qui est nickel, toujours très juste dans un personnage pourtant très difficile à saisir. Par contre, le temps n'arrête pas de changer : soleil - nuages - pluie - soleil.



A l'image, c'est l'enfer. Un coup c'est sombre et il faut éclairer un poil plus, un coup l'arrière plan est surex et il faut poser un filtre neutre sur les vitres de la voiture, un coup il faut essuyer les gouttelettes d'eau avant la prise. C'est dommage, parce qu'au jeu, c'est nickel. 











A 17h40, on lance les contrechamps sur Frédéric Quiring. Sa scène bien que courte, est délicate à jouer. Il doit passer de la décontraction à l'explosion de colère en l'espace de quelques secondes. Là où bon nombre d'acteurs inexpérimentés se seraient retrouvés en rade, à "fabriquer" ou à surjouer, Fred parvient à faire quelque chose d'à la fois réaliste, juste et très intense. Lorsqu'il fixe Vincent avec un regard de colère, on a le sentiment à l'écran qu'il va littéralement le bouffer dans l'instant qui suit.  



Je passe un excellent moment derrière mon combo. Nous varions les focales, le temps passe, il est 18h40, il fait nuit dans une heure, et nous avons encore un plan complexe à tourner. ça va être tendu.



Nous tournons alors les plans sur Emmanuel Donaint, qui interprète un chauffeur mutique au regard d'acier, qui passe plutôt très bien à l'image. Merci à lui d'avoir fait la route depuis Orléans pour venir tourner aujourd'hui. 



A la fin du plan Emmanuel est censé se prendre une balle qui lui fait exploser la cervelle. Pour diverses raisons, j'avais en tête un plan assez "Cronenbergien", avec une giclée de matières organiques sur le pare-brise et le tableau de bord. Nous en avions parlé en amont avec David Scherer, qui m'avait proposé un système de compresseur, dans lequel il place un mélange de matières diverses, faux sang, bouts de cervelle, etc... et qu'il fait gicler sur le pare brise après l'impact. 



Sauf que, emportés par notre soucis du détail dans ce plan, nous n'avions pas suffisamment discuté de choses pratiques, à savoir : 
- comment nettoyer le bordel après la giclée ?
Tout d'un coup, cette question devenait évidente. 



J'en parle à David, qui, dans une semi-grimace, m'explique que ça risque d'être difficile de tout nettoyer parfaitement. Il faut donc bâcher le tableau de bord, le fauteuil conducteur et le plafonnier.
Avec deux conséquences :
- on va être obligé de cadré très serré pour ne pas avoir les bâches dans le champ de la caméra, donc de perdre la dimension spectaculaire de la giclée, voire de foirer le plan.
- le temps de tout bâcher, la nuit va nous rattraper
Conclusion : on ne peut pas bâcher.
Je me retrouve donc là, au crépuscule, à devoir décider si je vais donner l'ordre de saloper une bagnole à 70 000 euros que l'on m'a gracieusement prêtée, juste pour mettre en boîte un plan qui claque.
Shit.
La mort dans l'âme, j'annule ce plan. Je préfère rester pote avec Eric...



Sur le coup, je suis extrêmement déçu. Je me dis qu'en démarrant la journée plus tôt, ou en enquillant les plans plus vite on aurait pu trouver une solution technique pour tourner ce plan (dans une autre voiture, devant un fond vert, que sais-je ?). Alors non, objectivement, ce plan ne joue pas un rôle vital dans la narration. Mais il faut bien l'avouer : aussi régressif que cela puisse paraître, réaliser ce genre de plans fait partie des raisons qui poussent à réaliser un film. Je tire un peu la tronche dans mon coin.



Du coup, on improvise un découpage différent, où Emmanuel a déjà pris la balle et est étendu contre la vitre conducteur. David Scherer et Léo Leroyer badigeonnent la vitre et le pare-brise de projections de sang, et nous filmons Emmanuel inerte à la lumière d'un HMI 2 kilowatts.




Alors que la nuit tombe (paye ton raccord lumière), nous shootons la sortie de Vincent de la voiture, puis quelques plans de lui dans la ville. 
Il est fatigué et boite ostensiblement.
J'ai envie de lancer le running gag de ce tournage : "on règlera ça en post prod".



Nous bouclons vers 20h, puis célébrons la fin de la semaine en buvant quelques coups. la soirée finira tard dans la nuit.

Ayé, le marathon s'achève. Sans doute les 8 jours d'affilée les plus intenses de ma vie, et une "formidable aventure humaine". Je sais que l'expression est complètement galvaudée mais en l’occurrence, c'est celle qui décrit le mieux ce que nous avons vécu : réunir une trentaine de personnes 15 heures par jour pendant 8 jours autour d'un projet non rémunéré, et être au taquet du matin au soir, ne rien lâcher, et construire un film plan après plan, ça ressemble à essayer de pousser un paquebot à main nues.



Comme le veut l'expression consacrée : "C'était impossible. On l'a fait."

J'ai remercié hier et profite de ce blog pour remercier à nouveau chaque membre de l'équipe. Vous avez fait, nous avons fait ensemble du super boulot. Le tournage n'est pas tout à fait terminé, nous avons encore quelques séquences oniriques à tourner ce mercredi, en équipe réduite.



Le montage devrait démarrer dans la foulée.

Restez connecté, la suite arrive bientôt.

(Toutes les jolies photos de cet article sont ©Morgane Launay. Les autres sortent de l'iPhone de bibi)